Linde KLINCKOWSTRÖM, raid Stockolm-Paris 1926

Quitte à brûler les étapes, essayons de comprendre pourquoi une jeune suédoise se lance dans une aventure à cheval de Stockholm à Paris.

1- par atavisme ?

Line von KLINCKOWSTRÖM était la nièce d'Axel de Fersen, un grand "ami" de la reine Marie-Antoinette.

Elle avait sous les yeux, dans son château, la bibliothèque du tonton et les correspondances (codées) d'Axel et de Marie-Antoinette.

C'est Axel qui s'était installé comme meneur du carrosse, trop lourd et voyant, à la sortie des Tuileries pour fuir vers Montmédy jusqu'à l'arrestation à Varennes ...

http://axelvonfersen.free.fr/marie.php#

ou encore :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Axel_de_Fersen

2- pour revoir sa soeur, Thora, installée à Paris avec un peintre suédois, son mari, rue Lepic...

On entre de plain-pied dans le "surréalisme" avec un tas de personnages peintres et écrivains, artistes en général, qui illustrèrent ce qu'on a appelé "L'Ecole de Paris" !

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Thora a écrit un livre ou elle raconte son séjour à Paris et notamment ses relations ambigües avec Raymond RADIGUET, le jeune auteur du roman "Le Diable au corps" dans lequel il parle des deux soeurs suédoises, où Thora est appelée "Svea" !

Le diable au corps/Raymond RADIGUET, extrait.
…
L’après-midi, je n’osai rien en dire à Marthe. D’ailleurs, cet épisode était inutile pour que Marthe fût compromise. C’était depuis longtemps chose faite. La rumeur me l’attribua même comme maîtresse bien avant la réalité. Nous ne nous étions rendu compte de rien. Nous allions bientôt voir clair. C’est ainsi qu’un jour, je trouvai Marthe sans forces. Le propriétaire venait de lui dire que depuis quatre jours, il guettait mon départ à l’aube. Il avait d’abord refusé de croire, mais il ne lui restait aucun doute. Le vieux ménage dont la chambre était sous celle de Marthe se plaignait du bruit que nous faisions nuit et jour. Marthe était atterrée, voulait partir. Il ne fut pas question d’apporter un peu de prudence dans nos rendez-vous. Nous nous en sentions incapables : le pli était pris. Alors Marthe commença de comprendre bien des choses qui l’avaient surprise. La seule amie qu’elle chérît vraiment, une jeune fille suédoise, ne répondait pas à ses lettres. J’appris que le correspondant de cette jeune fille nous ayant un jour aperçus dans le train, enlacés, il lui avait conseillé de ne pas revoir Marthe.
…
Pourtant, je devais aller chez Marthe ; mais dans de singulières circonstances.
Je rencontrai un jour sur le réseau cette jeune fille suédoise à laquelle ses correspondants défendaient de voir Marthe. Mon isolement me fit prendre goût aux enfantillages de cette petite personne. Je lui proposai de venir goûter à J… en cachette, le lendemain. Je lui cachai l’absence de Marthe, pour qu’elle ne s’effarouchât pas, et ajoutai même combien elle serait heureuse de la revoir. J’affirme que je ne savais au juste ce que je comptais faire. J’agissais comme ces enfants qui, liant connaissance, cherchent à s’étonner entre eux. Je ne résistais pas à voir surprise ou colère sur la figure d’ange de Svéa, quand je serais tenu de lui apprendre l’absence de Marthe.
Oui, c’était sans doute ce plaisir puéril d’étonner, parce que je ne trouvais rien à lui dire de surprenant, tandis qu’elle bénéficiait d’une sorte d’exotisme et me surprenait à chaque phrase. Rien de plus délicieux que cette soudaine intimité entre personnes qui se comprennent mal. Elle portait au cou une petite croix d’or, émaillée de bleu, qui pendait sur une robe assez laide que je réinventais à mon goût. Une véritable poupée vivante. Je sentais croître mon désir de renouveler ce tête-à-tête ailleurs qu’en un wagon.
Ce qui gâtait un peu son air de couventine, c’était l’allure d’une élève de l’école Pigier, où d’ailleurs elle étudiait une heure par jour, sans grand profit, le français et la machine à écrire. Elle me montra ses devoirs dactylographiés. Chaque lettre était une faute, corrigée en marge par le professeur. Elle sortit d’un sac à main affreux, évidemment son couvre, un étui à cigarettes orné d’une couronne comtale. Elle m’offrit une cigarette. Elle ne fumait pas, mais portait toujours cet étui, parce que ses amies fumaient. Elle me parlait de coutumes suédoises que je feignais de connaître : nuit de la Saint-Jean, confitures de myrtilles. Ensuite, elle tira de son sac une photographie de sa sœur jumelle, envoyée de Suède la veille : à cheval, toute nue, avec sur la tête un chapeau haut de forme de leur grand-père. Je devins écarlate. Sa sœur lui ressemblait tellement que je la soupçonnais de rire de moi, et de montrer sa propre image. Je me mordais les lèvres, pour calmer leur envie d’embrasser cette espiègle naïve. Je dus avoir une expression bien bestiale, car je la vis peureuse, cherchant des yeux le signal d’alarme.
Le lendemain, elle arriva chez Marthe à quatre heures. Je lui dis que Marthe était à Paris mais rentrerait vite. J’ajoutai : « Elle m’a défendu de vous laisser partir avant son retour. » Je comptais ne lui avouer mon stratagème que trop tard.
Heureusement, elle était gourmande. Ma gourmandise à moi prenait une forme inédite. Je n’avais aucune faim pour la tarte, la glace à la framboise, mais souhaitais être tarte et glace dont elle approchât la bouche. Je faisais avec la mienne des grimaces involontaires.
Ce n’est pas par vice que je convoitais Svéa, mais par gourmandise. Ses joues m’eussent suffi, à défaut de ses lèvres.
Je parlais en prononçant chaque syllabe pour qu’elle comprît bien. Excité par cette amusante dînette, je m’énervais, moi toujours silencieux, de ne pouvoir parler vite. J’éprouvais un besoin de bavardage, de confidences enfantines. J’approchais mon oreille de sa bouche. Je buvais ses petites paroles.
Je l’avais contrainte à prendre une liqueur. Après, j’eus pitié d’elle comme d’un oiseau qu’on grise.
J’espérais que sa griserie servirait mes desseins, car peu m’importait qu’elle me donnât ses lèvres de bon cœur ou non. Je pensai à l’inconvenance de cette scène chez Marthe, mais, me répétai-je, en somme, je ne retire rien à notre amour. Je désirais Svéa comme un fruit, ce dont une maîtresse ne peut être jalouse.
Je tenais sa main dans mes mains qui m’apparurent pataudes. J’aurais voulu la déshabiller, la bercer. Elle s’étendit sur le divan. Je me levai, me penchai à l’endroit où commençaient ses cheveux, duvet encore. Je ne concluais pas de son silence que mes baisers lui fissent plaisir ; mais, incapable de s’indigner, elle ne trouvait aucune façon polie de me repousser en français. Je mordillais ses joues, m’attendant à ce qu’un jus sucré jaillisse, comme des pêches.
Enfin, j’embrassai sa bouche. Elle subissait mes caresses, patiente victime, fermant cette bouche et les yeux. Son seul geste de refus consistait à remuer faiblement la tête de droite à gauche, et de gauche à droite. Je ne me méprenais pas, mais ma bouche y trouvait l’illusion d’une réponse. Je restais auprès d’elle comme je n’avais jamais été auprès de Marthe. Cette résistance qui n’en était pas une flattait mon audace et ma paresse. J’étais assez naïf pour croire qu’il en irait de même ensuite et que je bénéficierais d’un viol facile.
Je n’avais jamais déshabillé de femmes ; j’avais plutôt été déshabillé par elles. Aussi je m’y pris maladroitement, commençant par ôter ses souliers et ses bas. Je baisais ses pieds et ses jambes. Mais quand je voulus dégrafer son corsage, Svéa se débattit comme un petit diable qui ne veut pas aller se coucher et qu’on dévêt de force. Elle me rouait de coups de pied. J’attrapais ses pieds au vol, je les emprisonnais, les baisais. Enfin, la satiété arriva, comme la gourmandise s’arrête après trop de crème et de friandises. Il fallut bien que je lui apprisse ma supercherie, et que Marthe était en voyage. Je lui fis promettre, si elle rencontrait Marthe, de ne jamais lui raconter notre entrevue. Je ne lui avouai pas que j’étais son amant, mais le lui laissai entendre. Le plaisir du mystère lui fit répondre « à demain » quand, rassasié d’elle, je lui demandai par politesse si nous nous reverrions un jour.
Je ne retournai pas chez Marthe. Et peut-être Svéa ne vint-elle pas sonner à la porte close. Je sentais combien blâmable pour la morale courante était ma conduite. Car sans doute sont-ce les circonstances qui m’avaient fait paraître Svéa si précieuse. Ailleurs que dans la chambre de Marthe, l’eussé-je désirée ?
Mais je n’avais pas de remords. Et ce n’est pas en pensant à Marthe que je délaissai la petite Suédoise, mais parce que j’avais tiré d’elle tout le sucre.

Thora était venue à Paris pour étudier la sculpture avec Bourdelle
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Après qu'au Café de la Rotonde, comme il en avait l'habitude pour une tasse de chocolat, Modigliani ait fait l'esquisse de son portrait, Thora accepta de poser pour lui :

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Journaliste pour Voilà, journal de mode suèdois qui parlait de Paris, Thora commit un roman "Mon amant se marie", préfacé par Jean COCTEAU.

De nombreuses scènes équestres et des allers-retours Paris-Berlin animent le roman, épopée amoureuse d'une "cougar" !

C'est un portrait de Thora qui illustre la revue "Le Crapouillot" qui publia le roman :
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extraits du roman de Thora :

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Enfin, divorcée du peintre Nils DARDEL qui se plaignait du harcèlement dont elle était l'objet de la part de Radiguet, elle écrira sa version dans une biographie de Nils à Paris, alors parti connaître une consécration aux Etats-Unis:

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Thora et Nils habitaient dans la rue qui monte à Montmartre, 108, rue Lepic [img][/img]

près du célèbre Moulin de la Galette :

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Quartier des artistes avec le Bateau Lavoir qui accueillait des plasticiens immigrants.

Thora rencontra Modigliani , Boulevard Montparnasse, à La Rotonde en 1919 :[img][/img]

Modigliani dessina son portrait :
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Dans ce restaurant, j'ai eu l'impression d'y rencontrer un autre portrait d'une Thora interrogative ! :


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Mais quelle collection! J'ai du retard de lecture, merci pour tout ce partage!

La tâche est ardue pour qui ne parle pas le suédois, mais je tente de savoir plus de détails sur l'aventure Stockholm-Paris de Linde KLINCKOSTRÖM en 1926 en essayant de traduire (avec un traducteur automatique et quelques bribes de hollandais, d'allemand et d'anglais qui me sont très utiles) son livre PA LANGRITT MED CASTOR, les chapîtres consacrés à Paris-Stockhöm en tous cas. Déjà dans la transcription il me manque des ° au dessus des A ...

Si vous avez du temps à perdre et le goût des langues étrangères, vous pouvez essayer le même exercice et vous ne manquerez pas les traductions comiques du robot !

Rassurez vous, je ne laisserai ensuite que des extraits signifiants pour ne pas accaparer le post pendant plusieurs semaines ...

Vos réactions de cavalières me sont précieuses ... n'hésitez pas.

AVERTISSEMENT :

Linde, notre héroïne, a effectué la partie suédoise du raid en compagnie d'une camarade, Marja.

"Castor", son cheval était donc accompagné d'un autre cheval, "Contra" ...

C'est généralement le cheval "Castor" qui raconte ses émotions et qui narre les actions de sa cavalière ...

Pour Linde, le héros c'est donc "Castor"...

"Castor", appelle sa cavalière "Matte" c'est à dire "Maman" ... je laisse aux psychanalistes le soin de décrypter ces "signifiants" !

MED CONTRA TILL MALMÖ
Matte arbetade pa förberedelserna till var Paristripp. Hon inköpte en hel massa av Ravensteins utomordentliga kartor I skala 1:30 000. Medels en kartmätare och en almanacka var snart var resrutt klar. Den skulle ga over Tyskland, Holland och Belgien.
AVEC CONTRA JUSQU’A MALMÖ
Matte a travaillé aux préparatifs du voyage à Paris. Elle a acheté un tas d'excellentes cartes Ravenstein à l'échelle 1:30 000. Au moyen d'un mesureur de carte et d’un almanach le parcours fut bientôt clair. Il passait par l'Allemagne, la Hollande et la Belgique.
Alla människor skrattade och ryckte pa axlarna : Tout le monde riait et haussait les épaules :
- Vansinne, flicka, tânker du stoppa korv av hasten ? - Folie, ma fille, merci d’arrêter le saucisson de cheval?
Inbilla dig inte, att en och samma häst håller att gå så langt. N’imaginez pas que le même cheval puisse aller jusque-là.
(Jag tror snarare att det är människornas intelligens än hästarnas kraft, som avtagit genom uppfinningen av bilarna !) (Je pense que c'est l'intelligence humaine plutôt que le pouvoir des chevaux, qui s'est affaissé avec l'invention des voitures!)
- Kommer du till Malmö sa sanna mina ord, längre kommer du inte. För övrigt, hur tänker du göra med gränserna ? Croyez-moi, - vous n’arriverez pas plus loin que Malmö. D'ailleurs, comment allez-vous faire avec les frontières?
Ja, det var en betydligt kvistigare fraga. Oui, c'était une question très cruciale.

Matte tentait de savoir s’il fallait un passeport spécial, et elle m'a dit ensuite :
- Je me suis rapprochée du Département d'Etat et j’ai demandé assez timidement à parler au chef de service.

Il m'a demandé de prendre une chaise, il m’a regardé et a fini par éclater de rire.

Comment ça, ai-je bien bien entendu, Mlle veut faire un tour tour à Paris? Ha, ha, ha ... C'est la meilleure bande dessinée que j'ai entendue ... Vraiment, vraiment, aller à cheval ... sur un cheval? Ha, ha, ha ...

Comment ça, ai-je bien bien entendu, Mlle veut faire un tour tour à Paris? Ha, ha, ha ... C'est la meilleure bande dessinée que j'ai entendue ... Vraiment, vraiment, aller à cheval ... sur un cheval ? Ha, ha, ha ...

Nous avions prévu d’être à 6h sur le quai, pour être au bateau à 6 h15.

Après que nous ayons tourné en rond avec plus d'un quart d'avance, un homme maussade qui tirait le bateau par l’amarre nous dit en hurlant.

Si vous n'êtes pas à bord avec votre merde de cheval dans une minute, nous partons. Il n’est pas prévu de patienter, rugit-il.

Ne rugissez pas la bouche si pleine, mais tentez de parler d'un ton un peu plus convivial malgré votre humeur de lundi matin, fut la réponse.

- Nous étions ici à six heures, dans vos délais. Ne pensez-vous pas que les chevaux peuvent amortir cette traversée ... en quittant le pays avec du bétail de passage, dit Matte d’un ton décidé.

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Contra étudie les cartes avec l'aide de Matte (maman, ma maîtresse)...

Par des escaliers, nous avons été reçus par des propriétaires accueillants, les Philipson, alors que deux cochers en pantalon blanc venaient prendre soin de Contra et de moi.

Nous avons trouvé le paradis ! Un boxe de luxe!

Dans la matinée je fus réveillé comme Contra par son cocher, qui nous a pansés.