Laurence BOUGAULT, amazone de la Paix, raid Iran-Paris 2008.

et 120 ans après, Laurence et Almila racontent :

4e journée de l'Amazone
6 avril 2009
Caravansérail Shah Abbas-Dor (22,2km)

"... d'un minuscule village tout en terre où il n'y a pour ainsi dire rien. Juste une épicerie. C'est de là, d'ailleurs que nous avons trouvé un lieu : une maison vide où Motchtaba a rétabli l'électricité. Le confort est pour le moins rudimentaire ! Un sol de terre battue et un toit ! Un robinet extérieur...

... J'aime que mes rêves se réalisent, dans le froid glacial ou sous un climat brûlant, je suis seule à vouloir avaler des kilomètres par amour du cheminement à cheval, avec le cheval. Je ne me soucie que d'Almila. Pour son bien être et le mien, je règle les problèmes, je trouve des solutions. Mon être est tendu vers le but. Nous luttons parfois pour l'atteindre, ce but.

Sur le dos de ma belle jument, malgré les soucis de savoir où nous dormirons et ce que nous trouverons à l'étape, malgré les problèmes d'organisation et de communication, je me sens libre et souveraine. Et je ne délèguerai ma souveraineté à aucun Etat, ni d'ici, ni d'ailleurs et à aucun être humain. L'horizon est mon seul rêve. La fatigue ne m'est rien. je règne. ... Souveraine de rien ou souveraine du monde.

Ma jument se déplie avec grâce, attentive au terrain, impatiente de recevoir sa ration, heureuse de découvrir elle aussi. Je sens bien qu'elle et moi partageons ce même goût du cheminement qui n'est pas le goût de l'errance, mais celui du mouvement qui est la vie-même.

Tout bouge. Rien n'est figé. cette perpétuelle transformation de nous-même et du monde est ce qui doit véritablement nous donner la joie ."

6e journée du Hussard
1er avril 1888
Miondesht-Mézinane (78 km).

"A sept heures, nous dérapons, toujours marchant au soleil.

Nous galopons sur un sol parsemé de fleurettes jaunes et d'énormes choux fleurs sauvages... des volées de pluviers et de pigeons sauvages, parfois aussi des gangas... le caravanséraï que nous venons de quitter, avec son déploiement de murailles roses me donne comme une vision de la ville d'Aigues-Mortes.

Mon cheval qui s'écroule me rappelle vite à la réalité.

A dix heures nous arrivons à Abbas-Abad, village fondé sous Abbas le Grand par une colonie géorgienne : six farsaks (36 kilomètres).

Nous y sommes bien accueillis. Un digne famille nous cède même ses appartements (!) que deux femmes, sinon jolies du moins gracieuses, époussettent en fuyant nos regards observateurs.

Ces dames parties, nous voilà installés tout à fait à l'orientale,... sur des tapis ... et coussins...

Le maître de céans vient alors nous demander de réparer sa pendule : la curiosité du pays évidemment... "Insh'Allah...

... il nous vend trois poules - dont un coq-...Les saigner, les plumer, et les mettre à cuire sont pour Gaffar-beg l'affaire d'un quart d'heure... nous nous contentons de manger le foie, les entrailles, la tête et le croupion de nos volailles, avec beaucoup d'oignons er de pain d'emballage à l'entour, réservant le meilleur pour plus tard."

"Ainsi lestés, nous levons le camp... le terrain que nous foulons est salin, humide et glissant, s'étendant à droite, en une plaine indéfinie, flaquée d'eau et de sel.

A gauche, une longue chaîne de montagnes violacées, où trône un pic neigeux très aigu, forme muraille... (Mont Manida-Jagataï).

Dans les flaques d'eau, beaucoup d'hirondelles de mer et de petits pluviers. Plusieurs de ces derniers vont promptement rejoindre, dans le portemanteau enchanté de Gaffar-beg, les poulets défunts... la fusillade cède bientôt, faute de munitions... nous avons dû jeter successivement toutes nos cartouches à plomb, pour soulager d'autant nos bêtes qui n'en pouvaient plus...

Vers cinq heures, des champs cultivés étalent de toutes parts leurs épais tapis verts, au ras desquels passent et repassent de grands faucons ardoises; des canaux d'irrigation coulent nombreux... enfin aparaît une enceinte de murailles grises enserrant un tas de maisons basses.

C'est Mezinane : sept farsaks (42 kilomètres).

Le tchappar-khanêh d'ici a fondu comme celui de Dehmollah. conséquemment nous n'y trouvons ni gardien, ni chevaux.

Où donc pourrons nous laisser reposer nos montures et où reposerons-nous nous-mêmes ?

Allons à la ville...

... Notables, officiers, habitants sont là qui gesticulent, crient, discourent, lèvent les bras, bref, s'opposent à ce qu'on nous reçoive. Les braves gens !

Gaffar-beg leur explique notre cas... menace les Mezinanis des foudres du chah... j'exhibe le laisser-passer au chiffre impérial. Rien n'y fait... nous reprenons, fort penauds, le chemin du tas de boue représentant le tchapar-khanêh...

... un officier nous fait informer qu'on consent à nous recevoir... un indigène, -sans doute un paria-... daigne nous loger... nous mettons enfin pied à terre...

Notre logement (!) est une sorte de cave avec un trou sans volet qui sert à la fois de porte et de fenêtre...le sol est humide et sans paille, mais cela vaut mieux toujours que le plein air par la froidure et le vent.

Puis, n'avons-nous pas nos poulets, nos poulets de Pâques... notre quinine et notre philosophie."

et 120 ans après, Laurence et Almila racontent :

5e journée de l'Amazone
7 avril 2009
Dor-Googed (30km)

"...Après le caravansérail de Shah Abbas, un lieu vraiment magique et grandiose au milieu de nulle part, je découvre aujourd'hui la citadelle de Goged, bâtie il y a quatre cents ans, et aujourd'hui rénovée et transformée en hôtel..."

Laurence BOUGAULT, amazone de la Paix, raid Iran-Paris 2008. - Page 11 Googad10

" Des journalistes de la télé régionale m'interviewent pendant qu'Almila goûte un repos bien mérité dans une étable avec des vaches chez des habitants sympathiques.

Parmi les journalistes, il y a un garçon étonnant, zoroastrien, dont j'apprécie l'humour subtil. Nous passons vraiment un bon moment d'échange.

Demain nous serons à Khomein... et je dois retrouver les propriétaires d'Almila..."

A propos de Zoro...un cavalier, surgissant de la nuit ? Zoroastrisme

"On reçoit à pied, à cheval et en voiture ... !"

Laurence BOUGAULT, amazone de la Paix, raid Iran-Paris 2008. - Page 11 Googed10

7e journée du Hussard
2 avril 1888
Mézinane-Zéfranié (78 km).

"... dès l'aube, nous avons rompu, salués par les aboiements furieux des chiens qui, comparés aux grognements des Mezinanis, sont pour nous une musique presque sympathique.

A dix heures et demie, nous atteignons Mehr : six farsaks (36 kilomètres).

... il ya des pins, il n'y a pas de chevaux. Nous laissons souffler les notres et nous repartons à onze heures et demie.

A une heure, nous arrivons près d'un puits, où l'on nous avait dit que nous pourrions déjeuner, parce que son eau était parfaite à boire...

Tout autour de cette citerne, sont éparses des carcasses de chameaux à demi dévorées. L'eau elle-même... C'est un vrai ragoût !

Nous en buvons quand même, en fermant les yeux et en serrant les dents, et ça passe...

A cinq heures, nous entrons dans la ville de Sebzévar : sept farsaks (42kilomètres).

Note arrivée ici n'est pas inaperçue... un véritable affolement... les femmes ont des volontés manifestes de jeter leurs roubends par-dessus les minarets... On nous montre du doigt comme des bêtes curieuses...

Après tout, n'en sommes-nous pas pour ce public peu boulevardier ? ... le maître du tchapar-khanêh est obligé de obligé de barricader la porte de son établissement..."

"... deux Sebzévardis insistent pour nous rendre visite... Ce sont deux braves Arméniens de Bagdad. Ils nous informent que le prince Dolgorouki les avait informés de notre départ de Téhéran pour Méched, les priant de se mettre à notre disposition, lors de notre passage à Sebzévar...

... nous décidons de nous rendre chez ces aimables Arméniens, où nous dînerons et où nous passerons la nuit...

... L'un de nos hôtes se fait fort de nous faire délivrer immédiatement, par le gouverneur, un laissez-passer, afin que les portes de la ville s'ouvrent sans difficultés devant nous, à n'importe quelle heure de la nuit...

Nous pénétrons chez nos hôtes par une grande cour encombrée de ballots de laine qui proviennent de tous les points du Khoraçan, de la Perse et de l'Afghanistan... de cette cour nous atteignons par un escalier de bois, une haute galeried'où nous dominons une partie de la ville... le soleil à son déclin torréfie l'immense amoncellement de boue pétrie que forme les maisons de Sebzévar...

L'heure de la prière approche...deux mollahs se tiennent debout, attendant le plongeon définitif du soleil dans les sables salés... Le plongeon s'exécute. Aussitôt une immense clameur s'élève de toutes part... une minute s'écoule ainsi... et un grand silence s'étend, avec la nuit, sur la ville de Sebzévar...

... comme nous n'avons à redouter qu'aucune sale bestiole ne vienne nous grignoter les pieds, pendant notre sommeil, nous enlevons nos bottes.
- Dormir sans bottes, c'est le paradis !"

"... un grand fracas éclate dans la cour de notre demeure... ce sont nos gens et nos chevaux... le tchapar est arrivé... Il n'y pas un instant à perdre... et, montant à cheval, nous poursuivons notre route à travers la ville endormie. L'un des serviteurs de nos hôtes nous guide, éclairant notre marche avec un falot larmoyant... bientôt nous atteignons la porte est de la ville.

devant notre autorisation en règle, elle s'ouvre à deux battants, et nous voici dans la campagne, par une nuit aussi obscure que glaciale. il est onze heures."

"Nos nouveaux chevaux choisis un peu au hasard par Gaffar-beg, ont tout juste la force de nous porter.

Le mien boite si bas d'un de ses membres antérieurs qu'à chaque foulée sa tête touche au sol.

Gaffar-beg n'est guère mieux monté... Verdet ne dit rien : - Son cheval doit être passable.

Nous marchons depuis une heure à peine, quand, derrière nous, un grand bruit de coups de kamchin et de jurons vient désagréablement nous surprendre.

C'est le tchapar qui, ayant eu vent de notre fuite, cherche à nous rattraper.

S'il arrive avant nous à la prochaine station, il ne manquera pas de réquisitionner la meilleure remonte.

Donc au galop ! si possible, malgré la nuit..."

"... nos animaux... nous les déterminons à prendre à travers ornières, trous et rochers ... le tchapar en fait de même...Pendant une bonne heure ils nous "soufflent au poil", sans parvenir à nous gagner.

Mais, comme vient l'aube, ils nous joignent.

Un grand colloque s'élève alors entre le tchapar et Gaffar-beg. Puis, finalement, nous voyant énergiquement décidés à ne pas lui céder le pas, il s'adoucit, surtout quand il apprend que nous venons de Téhéran, d'une seule traite.

Du coup, sa figure s'éclaire d'un sourire de considération, et il nous offre des cigarettes...Il est armé d'un couteau-poignard et d'un revolver Smith de gros calibre.

A quatre heures et demie, nous arrivons dead-heat à Zéfranié : sept farsaks(42 kilomètres).

Le tchapar, devenu tout à fait notre ami, attend même que nous ayons pris une tasse de thé, afin de repartir de conserve avec nous."

3 avril

" En route à cinq heures et demie. Nous courons au dos de collines couvertes d'herbes basses, dont la verdure nous repose un peu de l'orgie de clarté et de sécheresse subie jusqu'à présent.

En face de nous, une splendide muraille de montagnes bleues, couronnées de neige, ferme l'horzon.

A dix heures, nous sommes à Chourrâb (l'Eau Salée) :cinq farsaks(30 kilomètres).

Cette petite bourgade semble avoir quelques prétentions à la coquetterie. la boue de ses maisons est mieux travaillée, quelques-unes ont des clochetons, et les terrasses de quelques autres sont dentelées de gentils créneaux.

... les femmes m'ont l'air également moins sauvages...

Nous y déjeunons d'un poulet... et nous repartons à onze heures, toujours en compagnie du tchapar.

Les collines vertes reprennent, mouchetées de petites chèvres à longue laine - que gardent des chiens à toison noire et des pasteurs en haillons..."

" Nous abandonnons bientôt cette verdure pour une plaine saline, odieusement blanche. le sol très dur n'est que crevasses et rides.

Nos chevaux, qui doublent l'étape, ne savent où poser les pieds. de plus, la réverbération du soleil sur cette surface blanche comme de la neige nous congestionne douloureusement la face, dessécahnt notre gorge, brûlant nos yeux et nous torturant au delà de toute expression...

Gaffar-beg s'endort en route...son cheval ne se sentant plus sollicité s'arrête.... Joseph David succombe à son tour...

... une succession de lacs bleus qui se forment, s'évanouissent et se reforment, à mesure que nous avançons, puis finalement e fondent en une immense cité, mirant dans de larges douves une triple rangée de remparts et de jardins suspendus, flanqués de tours monumentales et de pilônes giganteques comme ceux de l'ancienne Egypte... cette chimère miroite, flotte, se hausse, se dédouble, se désagrège, reprend corps et se volatilise pour me laisser voir, en toute réalité, les piètres fortifications et les tours de boue de la ville de Nichabour..."

"Les jardins suspendus sont des toitures en pisé où de l'orge a germé !

...

J'ai semé en route ma colonne, j'entre donc seul avec le courrier royal dans Nichabour : six farsaks (36 kilomètres).

Le tchapar me conduit directement au caravanséraï situé au centre de la ville. Là, il va à ses affaires.

Je suis entouré, examiné, harcelé, étudié sous toutes les faces, avec plus de curiosité toute fois que de malveillance.... le directeur des postes, à qui le tchapar a exposé mon cas, m'offre complaisamment un asile dans sa niche, bâtie à un mètre au-dessus du sol comme toutes les boutiques persanes."

A propos de Nishapur

"On n'en continue pas moins à me dévisager...je tourne le dos à ces gêneurs... on me legratte. Outré je me retourne : ce sont deux jeunes filles... et sans roubend, qui veulent à toute force me vendre des oranges, en me faisant les yeux doux...

... ce sont évidemment ce que vous pensez, et les oranges sont ... un symbole.

...

Sur ces entrefaites, arrivent enfin Verdet et nos serviteurs pas trop réveillés. Suivent de longs pour parlers entre Gaffar-beg et le directeur du caravanséraï, pourparlers qui se terminent par un refus de nous loger.

Donc, après avoir remercié mon hôte de son hospitalité, je remonte à cheval et nous gagnons le tchapar-khanêh, situé hors de la ville.

Cette station... ne possède aucun cheval de relais. Or, nos bêtes étant absolument rendues, il nous faut les laisser reposer au moins cinq heures.

Profitons de cette nécessité pour nous reposer...

... un jeune danseur vient nous régaler d'un petit divertissement... nous présente d'abord les oranges symboliques... Finalement nous le mettons à la porte.

Lui parti, arrive la concurrence sous la forme de deux ... du caravansérail, - toujours munies de leurs oranges. Nous les engageons vivement à poursuivre leur ami le danseur pour contrefaçon, et surtout à nous... octroyer la paix..."

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» Rachel DORANGE, raid équestre Paris-Rome 1935.
» Mary FERAUD, raid équestre Paris-Rome 1928
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