Suzanne LE BOURDONNEC, Randonnées équestres et Années folles

Bellefontaine-St-James, 52km :

Visitez le Mont-Saint-Michel

Et 90 ans plus tard, une question d'actualité :

Ouest France

2 juillet, 10e étape ? Pontorson-Bazouges-la-Pérouse

Sur la route d’Antrain nous cherchons une entrée pour traverser la forêt dans sa plus grande longueur. Nous nous égarons dans les taillis touffus. Un peu désappointés nous laissons nos chevaux retourner à leur point de départ. Nous retrouvons la route et un peu plus loin nous pénétrons sous les futaies superbes, entourant un délicieux étang d’un beau bleu et d’une profondeur de quarante mètres. Il était notre but.

Forêt de Villecartier

Une descente qui serpente entre les arbres donne accès à une ancienne maison bourgeoise entre cour et jardin, gentiment installée en agréable petit hôtel. Nous y trouvons bonne nourriture et bonne écurie. Unique a un fer cassé. Toujours Unique. Un maréchal est là en face qui referrera ses deux antérieurs.

Quand nous arrivons à Bazouges-la-Pérouse, il bruine. Le temps est gris. Nous descendons dans une antique demeure seigneuriale, modeste auberge mais hospitalière. Un large escalier aux pierres usées me conduit dans une chambre bien simple qu’éclaire à peine une bougie. Mais, dans la grande cheminée aux trois feux, la soupe fume et sent bon ; elle excite notre appétit déjà grand pourtant.

La vieille dame s’excuse de n’avoir pas de garçon d’écurie. Mais nous y sommes accoutumés et nous préférons même cela. J’aime le pansage car il permet de découvrir à coup sûr la plus légère blessure.
Nombreux sont les gens qui disent que le cheval est méchant ! Pour ma part, j’en ai monté un bien grand nombre et j’ai constaté qu’ils étaient d’un naturel pacifique désireux d’être en bons termes avec leur maître. Les méchants sont l’exception et souvent ce sont les hommes eux-mêmes qui les ont rendus rétifs.

Pontorsoon-Bazouges-la-Pérouse, 18km :

Châtelet de Martigné à Bazouges-la-pérouse.

Bazouges-la-Pérouse-Feins : 13km.

Nous avons pris un peu d'avance  ... attendons  Suzanne à Bazouges-la-Pérouse !

5 juillet, 13e étape. Bazouges-la-Pérouze – Feins.
Nous voici, à l’heure de la petite halte matinale, dans la forêt de la Fertais qui borde le superbe lac du Boulet. Grigou, comme son compagnon, est en liberté depuis une heure broutant herbes drues et pousses tendres.

Je monte en selle quelques minutes seulement, le temps de lui faire prendre un bain de pied, un bain de jambes. Me fâcher, je le dois pour le faire entrer dans l’eau qu’il aime pourtant. Je pense que son entêtement est uniquement dû à ce qu’il a quelque peu enfoncé dans la terre molle du bord de l’étang. Peut-être aussi garde-t-il un mauvais souvenir de notre dernière lutte où pourtant il fut vainqueur. Mais, aujourd’hui, j’ai du temps à perdre. Sans doute Grigou le sent car il se soumet assez vite. Aussitôt il cherche sa revanche et essaie à nouveau de se rouler dans l’eau.

Malheureusement je n’ai aucun désir de prendre un bain tout habillée. Pourtant l’eau est claire, l’eau est chaude. Déshabiller mon cheval, ne lui laisser que les rênes, me déshabiller à mon tour et puis… nager. Nager jusqu’à l’autre rive, nager avec mon cheval.

La tentation a germé. L’eau m’appelle. Autour de moi, aucun bruit. Rien ne bouge. Tout demeure plongé dans une grande torpeur. On dirait qu’épuisée par la chaleur la nature entière dort.

Nager avec mon cheval !

Ayant décidé de faire le tour de la vaste pièce d’eau, à cause de l’agrément qu’elle offre à la vue, nous sommes contraints de mettre pied à terre pour faire franchir à nos chevaux une douve dont les clôtures en biais ne permettent pas le saut. Unique le premier, conduit à la main, descend sagement jusqu’au fond du fossé et remonte de l’autre côté. Mais Grigou le frondeur fait un bond intempestif et heurte brutalement mon coude. Je m’en ressentirai longtemps et, de plus, son sabot a fortement touché l’arrière de ma jambe malgré ma botte. Un pansement sommaire et j’espère ne pas contracter le tétanos.

C’est au bord de ce lac que je fis la connaissance avec les effrayantes mouches dites mouches plates, très dures à écraser. Certains chevaux ne supportent pas leur contact, en deviennent littéralement fous et ruent dans toutes les directions espérant s’en débarrasser.
Le cavalier doit descendre rapidement pour venir en aide à son cheval et faire vite et bien, s’il ne veut pas recevoir des ruades.
Ces mouches se placent littéralement sous la queue.

6 juillet, 14e étape, Feins- Mi-Forêt (Liffré).

Retour à la mi-forêt dans un soir lourd d’orage. Au ciel quelques nuages. Le coucher du soleil est rouge et or et bien joli à travers les arbres.

L’auberge pleine de monde, est en fête. Stupéfaction des gens qui nous avaient vus 15 jours auparavant nous préparer à partir à la conquête de la belle nature.

Pas de chambre pour nous. Tout est pris. Mais une écurie pour nos chevaux. C’est le principal et nous décidons de rester quand même au risque de coucher dans la paille ou le foin.

Après le dîner, on nous annonce que nous retrouverons les 2 chambres de notre dernier passage. Ce n’est pas de refus car nous avons 45 kilomètres dans les fesses si nos chevaux les ont dans les jambes.

feins-Mi-Forêt (Liffré), 23km :

7 juillet, 15e étape, Mi-Forêt-Rennes.

J’ai si bien dormi la nuit dernière que je n’ai pas entendu la pluie qui tombait drue et l’orage qui a éclaté vers 4 heures du matin.
La forêt si claire hier, est triste et grise. Nous devons rendre nos chevaux à midi et nous voulons tenir parole.
Il pleut. La nature pleure une belle randonnée finie. Il est 10 heures. Nous ne pouvons attendre plus longtemps. Nous endossons nos soi-disant imperméables et en route au grand trot. Ma cape m’enveloppe entièrement. Au bout de quelques temps la pluie diminue d’intensité pour cesser une demi-heure après. Quelle chance ! Nous pourrons faire une entrée triomphale dans la ville de la bonne duchesse Anne.

Nous trottons silencieux.

Pour mieux connaître la Anne de Bretagne dont c'est , en 2014, le 500e anniversaire de sa mort.

Ah ! Voici déjà Rennes hélas ! Et puis, voici l’école de dressage où Monsieur Blanchet*, confiant en notre parole, attend sans nervosité ses pensionnaires et ses clients de passage. Il constate avec plaisir que malgré une randonnée qui peut être évaluée à près de 700 kilomètres sans compter les détours, les chevaux sont aussi frais qu’au départ.

* Où se trouvait le "manège Blanchet" ? Centre-ville, ancien Champ-de-Mars ? Saint-Jacques de la Lande ? Aide bienvenue !

Unique n’a plus qu’une légère cicatrice, vague souvenir de la blessure des premiers jours. Et tous deux sont en forme pour continuer longtemps encore le travail auquel ils viennent d’être soumis.
Grigou avait peur du « tortillard », petit chemin de fer local dont le sifflet faisait coucher les ses oreilles et lui permettait de donner libre cours à son humeur joyeuse.
Grigou hennissait de colère quand on sortait son compagnon pour le panser ou le soigner alors qu’il restait seul à l’écurie.
Grigou tapait du pied et joyeux faisait entendre sa voix quand il venait venir l’avoine.
Il aimait le sucre et le pain et allait les chercher jusque dans la poche qu’il aurait voulu pouvoir ouvrir. Mais il aimait l’eau également et n’aurait pas hésité à y rouler sa cavalière.
J’avoue avoir versé une larme sur Grigou au moment où je retirais mes bottes. Chausser des souliers de ville quand on voudrait garder des bottes toute la vie !
Je regrette Grigou comme un fidèle compagnon d’une randonnée de 15 jours.

Je lui dois toutes mes joies du 22 juin au 7 juillet ; elles furent nombreuses et variées.

Mi-Forêt-Rennes centre, 17km :