Enveloppe fermée

Je reviens à la demande d'Emy sur l'histoire de Xa, une histoire triste, celle d'un rêve brisé, mais d'un cheval sauvé.

Lors de son achat, nous savions que Xa, en dépit de ses très belles origines, était parti du Portugal pour un petit prix et avait emprunté le mauvais circuit de commercialisation, celui d'un marchand de chevaux du sud de la France de très mauvaise réputation. Mais celui-ci l'avait revendu à un ami professionnel qui me l'avait revendu quasiment immédiatement. Xa venait d'un élevage que j'aime, ses origines me plaisaient, j'avais connu son arrière-grand père chez Manuel Veiga, bref j'ai craqué de suite voyant en lui mon futur cheval. Il a passé la visite véto sans problème. Certes, il était infiniment stressé, mais nous l'avions attribué à un débourrage dans le milieu tauromachique et au passage dans le mauvais circuit. Il avait bien de gros capelets, mais nous avions tous pensé, véto inclus que cela venait du voyage depuis le Portugal et d'un appui prolongé dans le camion.

L'ami qui me l'a vendu était sincèrement persuadé que son stress s'effacerait avec une équitation douce et que mes heures de vol me permettraient de régler les difficultés équestres qu'il présentait, mais que nous mettions sur le compte de mauvais traitements. Le cheval paniquait lorsque le cavalier bougeait sa main droite (celle de la cravache!). C'est en raison du stress que cet ami m'avait conseillé de faire les premières leçons dans un manège fermé. Au lieu d'arriver dans mes écuries, il avait donc atterri à quelques kilomètres de chez moi, dans le manège d'un grand professionnel de la région qui dès notre première leçon l'a qualifié de cheval fou, donc dangereux. Pour lui le cheval posait de sérieux problèmes, mais nous ne trouvions rien de physique, juste un stress impressionnant. J'ai donc très vite fait passer Xa à la maison et entrepris seule un travail très doux, mais avec un casque, ce qui est exceptionnel pour moi, sauf pour les débourrages et l'obstacle. Mon vendeur a proposé de le reprendre, mais nous savions tous les deux que cela risquait de mal se terminer pour lui. J'ai donc refusé partant du principe que je devais assumer le destin de mes chevaux.

Pendant un an, j'ai fait un travail léger de jeune cheval sans jamais le braquer, mais, outre le stress général, il manifestait parfois une réticence forte dans les tourners à droite. J'ai vite vu qu'il déportait le postérieur très nettement à l'intérieur dans les tournants à droite, mais son ostéo de l'époque ne trouvait rien de particulier, si ce n'est qu'elle reprenait chaque fois la même manipulation.

Au bout d'un an, j'ai demandé à un ami de confiance, qui fut comme moi, un élève favorisé par Nuno Oliveira, de venir vérifier ce que je faisais sur le cheval avec mes mini-leçons de maximum 20 minutes et sans trot assis car je ne sentais pas le dos du cheval prêt à me porter alors qu'il est fait comme un demi-dieu! Pour lui, vu d'en bas, tout allait bien, il fallait juste passer à l'étage supérieur et, sur le cheval, je sentais que cela n'était pas possible. J'ai encore travaillé un an doucement en espérant qu'il s'agissait d'un cheval tardif et que le temps et la douceur l'aiderait à surmonter les problèmes dont nous ne trouvions pas la cause. Pendant de temps, j'ai relu ma bibliothèque équestre pour essayer de comprendre. En vain!

J'ai changé d'ostéo. Le nouveau plus compétent est, en quelques mois, arrivé à la conclusion que le cheval compensait quelque chose qu'il ne pouvait pas régler durablement. Nous avons exploré plusieurs pistes, mais toujours en vain. C'est alors que le hasard nous a mis sur une piste. Xa, depuis le début faisait presque tous ses crottins contre les murs. Nous nous étions dit - chic un box vite fait! Mais grâce, je ne sais plus pourquoi, à l'installation d'un seau en hauteur, nous avons découvert qu'il passait des heures assis sur le seau ou la croupe appuyée contre les murs. La lecture de Giniaux m'a alors mis sur la piste d'une position antalgique. C'est alors qu'avec le temps et une observation attentive, nous avons découvert qu'il avait aussi des positions antalgiques et cela sans toujours parvenir à mettre le doigts sur l'origine de ses douleurs. Mon vétérinaire ne voyait qu'une solution: des examens cliniques très poussés, mais il fallait les faire très loin. Pour lui, l'idéal était Caen et la clinique du Pr. Denoix; ce qui pour des raisons matérielles (pas de camion) n'était pas possible. J'ai donc entamé une formation en shiatsu équin et, parallèlement décidé, sur les conseils de mes amis véto de rompre le cercle de la douleur en cessant totalement de le monter pendant plusieurs mois. J'en ai pleuré des nuits entières, mais je lui ai promis le gîte et le couvert sa vie durant. Parallèlement, une piste est apparue celle de sa cicatrice de marquage. Nous travaillons depuis trois ans avec une kiné humaine pour essayer de réduire les adhérences.

Ce fut ensuite, six mois sans travail monté avec quatre mois de liberté sans contrainte, choix de la main de travail, puis deux mois de travail en longe, puis retour à de toutes petites leçons entre 5 mn et 10 minutes, ceci pendant trois ans, chaque fois avec environ six mois sans travail monté, puis une préparation en liberté et pourtant chaque fois les crises sont revenues (positions antalgiques fréquentes, rides de douleur, cheval ronchon et parfois refus d'avancer y compris en liberté!). La dernière grosse crise a eu lien en juillet dernier. Après une séance de 8 minutes avec un cheval agréable attentif, gentil, le lendemain fut catastrophique. Après quelques minutes de longe, il s'est arrêté l'air triste. Les douleurs étaient à nouveau-là. Je ne le monterai sans doute jamais plus. Voilà pourquoi, il n'y a pas de photo de lui au travail! C'est triste, mais c'est la vie. Il me prend presque autant de temps qu'un cheval au travail car nous jouons en liberté, je le longe un peu et nous commençons le travail à pied. J'ai été confrontée à un dur dilemme entre mon envie de dresser un nouveau cheval pour mon plaisir et le fait de le garer pour lui sauver la vie. Je m'étais toujours demandé quel serait mon choix face à une telle situation, maintenant je le sais. Ce n'est pas sans tristesse car renoncer à ses rêves est quelque chose de difficile, mais je me dis que les chevaux m'ont beaucoup donné alors j'ai fais le choix de mettre celui-ci à l'abri de la violence des hommes.

Choix difficile mais qui ne m'étonne pas de ta part. Peut être qu'avec le temps d'autres pistes s'ouvriront. C'est triste de ne pas pouvoir le monter mais votre complicité n'a pas de prix

Triste conclusion après tous les soins que tu lui as donne, mais c'est ca que j'aurais deviner de toi ayant vu l'amour avec lequel tu le soignais lorsque j'etais chez toi.

moi je ne te dirais qu'une chose mundial, je t'adore, tu es pour moi une extraordinaire femme de cheval, extraordinaire cavalière, et tu as tellement de gentillesse pour les chevaux qui t'appartiennent ... à la vie à la mort, et ça c'est si rare !!!!!!!!!

Je rejoins Idole dans ses propos ...
J'ai eu les larmes aux yeux en lisant ton récit ; quelle tristesse tu dois resentir ...
Tes rêves s'envolent mais tu as pris la formidable décision de le garder à tes côtés .

Merci infiniment. Vos remarques sont réconfortantes car je sais que nous nous ressemblons par notre réel amour des chevaux. Y-a-t-il un lien entre la monte en amazone et une approche plus douce, plus compatissante des chevaux, je me pose parfois la question.
Pour en revenir à Xa, cela a été dur, même si j'ai toujours essayé de relativiser en me disant qu'il y avait plus grave dans la vie. En même temps, j'ai lu beaucoup de littérature équestre, médicale, pris des directions, mais sans jamais obtenir une guérison totale, juste de petites améliorations. Le plus dur a été qu'à chaque reprise du travail, après une longue préparation, les crises revenaient. C'était décevant pour moi, mais aussi pour lui parce qu'il se retrouvait plongé dans ses douleurs alors qu'au contraire, nous pensions qu'un retour au travail, bien préparé, allait l'aider à renforcer sa musculature et donc à aller vers une guérison!
Le travail continue sur la cicatrice, mais avec moins d'espoir qu'avant. Du coup, j'ai entrepris plus sérieusement le travail à pied, mais avec quelques adaptations parce que là encore il reste très délicat. Cela est d'autant plus compliqué pour moi, que je n'ai pas à pied, les heures de vol que j'ai monté, mais bon je suis un peu au pied du mur. Et pour, l'instant, je le regarde et me demandant comment je m'y prendre! J'ai déjà pris quelques directions, mais avec infiniment de prudence et en me laissant le temps de la réflexion.

L'histoire de Xa est très émouvante! Je ne suis pas sûre que beaucoup de gens ai les même scrupules que toi et je trouve admirable ce que tu fais pout ton beau cheval!
J'espère que les choses iront de mieux en mieux pour vous deux!

Je ne pourrais pas dire que c'est une belle histoire parce que c'est au final bien triste. Mais je crois que Xa a eu la chance de rencontrer une cavalière qui l'aime vraiment. Je ne sais pas ce qui lui ai arrivé mais c'est incroyable qu'une chose aussi indécelable, un accident ou un évènement peut-être courant dans la vie d'un cheval puisse ruiner d'aussi beaux espoirs. Comme tu le dis, il est magnifique.

Effectivement dans son malheur, il a beaucoup de chance  

Il est somptueux le fauve !

Mais quand on voit son regard sur les photos montées par rapport à sa tête de tous les jours, effectivement, il y a un truc qui cloche... Il a l'air tétanisé.
Pour le coup, il me fait penser au PRE que j'avais essayé chez ce même vendeur...

Et bien maintenant, reste plus qu'à peaufiner ta technique à pieds  

Voici quelques photos des différentes directions entreprises avec Xavante afin de ne pas le laisser s'ennuyer dans un pré et dans l'espoir, très maigre, d'une éventuelle reprise du travail monté, même si je me suis promis de ne pas lui imposer mon poids et mon envie de remonter tant que tout signe de douleur n'aura pas disparu! En plus, d'un très léger travail en longe, nous jouons régulièrement en liberté. Je retrouve des positionnements proches de ceux du travail du bétail. C'est aussi excellent pour ma ligne car je cours un peu!

Depuis le début, j'essaie d'inclure des assouplissements dans l'esprit d'une épaule en dedans sur le cercle pour lui maintenir une certaine souplesse. C'est difficile à rendre en photo, mais celle-là donne une idée.
Depuis Noël, j'ai introduit doucement le travail à pied de type académique. J'ai pas mal vu faire et un peu pratiqué, mais pas beaucoup. Je sais que cela reste à double tranchant. Je me dis que dans notre malheur à Xavante et à moi, cela me donne au moins l'occasion d'approfondir cette boîte à outils.





Depuis, une dizaine de jours, j'ai rajouté un filet sous le caveçon

Bref, il me donne autant de travail qu'un cheval au travail, mais nous découvrons ensemble de nouveaux univers. J'avance très doucement en me disant que prudence est mère de sûreté!

un bon moyen d'entretenir déjà moral et complicité, et peut-être plus physiquement, croisons les doigts!

Il y a un russe vers St-Pétersbourg qui travaille énormément ses chevaux à pied. Me rappelle plus de son nom, quand ça me revient, je te dis ça.

toi qui a beaucoup travaillé avec Nuno Oliveira, connais-tu le surfaix dit Nuno Oliveira avec deux attaches, l'une en haut pour l'attitude de la tête, l'autre au poitrail pour l'effet renes fixes - je vais le commander (il faut voir les mesures de mon grand biquet de six ans), mais il n'y a pas de mode d'emploi et comme il est assez cher je recherche des infos.... rien trouvé sur le net !

Je le connais bien. Nuno Oliveira ne l'a pas inventé. C'est un enrênement qu'utilisait la cavalerie allemande. Un ami m'en avait bricolé un en 1982. Je l'ai utilisé quelques années. Comme tous les enrênements, il peut faire gagner du temps en aidant le cheval à se placer dans l'attitude recherché. Comme toujours le résultat dépend de la qualité du réglage. Avec celui-ci, il faut régler plus court la rêne fixe intérieure, mais pas trop court, non plus. L'articulation de la ficelle du haut reste aussi assez précise, trop courte, le cheval peut se creuser, trop longue, elle n'a plus d'effet! En fait, c'est comme tous les enrênements, délicat à bien utiliser! Tellement délicat, que ceux qui savent le régler correctement sont ceux qui peuvent s'en passer, quitte à perdre un peu de temps! L'idéal est de te le faire régler par quelqu'un qui a l'habitude de l'utiliser. Quelques élèves d'Oliviera le font utiliser par leurs élèves après avoir établi eux-même leur réglage. C'est une solution sage. C'est un peu ce qu'avait fait pour moi, l'élève du maître qui m'avait "bricolé" le mien. Puis en observant mon cheval et ceux du Maître l'année suivante, j'ai progressivement appris à le régler, pour finalement choisir d'abandonner son utilisation. Il faut ensuite apprendre à bien doser l'impulsion du cheval pendant la longe enrênée. Là-encore, il faut apprendre à regarder attentivement. Cependant, cela reste le seul que je conseillerais à la longe sous les réserves indiquées. Si tu veux que nous parlions avec plus de détail de l'ajustement, nous pouvons le faire au téléphone. Toutefois, le plus simple serait que quelqu'un d'habitué vienne te montrer sur ton cheval les principes du réglage et te fasse les premiers. Il ne te resterait plus qu'à compter les trous, puis à ajuster en fonction de l'évolution, mais tu aurais une base de départ.

Pour en revenir à Xavante, parmi ses traumatismes, il a sans doute été maltraité enrêné car nous l'avons vu à plusieurs reprises se débattre en longe et même en liberté totale, piquer comme des crises de folie en se débattant dans un enrênement imaginaire. Il faut le voir pour le croire, mais un jour, nous étions trois à assister à la scène. Lorsque de gris, il est devenu blanc, nous avons vu apparaître de drôles de cicatrices sur les dorsales à l'emplacement du surfait. Ceci nous a confirmer dans l'hypothèse d'un traumatisme lié à un enrênement. Si l'hypothèse est exacte, cela a dû être terrible pour laisser de telles traces physiques et psychologiques.

Belles photos!

Lucky horse d'etre chez toi!

merci pour ta réponse concernant le surfaix - je vais voir si j'en aurais vraiment l'utilité - pour en revenir à Xa, en effet son tatouage est énorme, et a dû réellement lui laisser un mauvais souvenir !!!! et une douleur récurrente !! pauvre vieux ! j'espère que tu vas pouvoir trouver une solution pour lui avec le temps

Voici quelques photos prises hier du travail à pied. On prend les mêmes et on recommence en tenue d'hivers cette fois!

Nous avançons très lentement, trop peut-être, mais j'ai très peur de faire des erreurs qui se révèleront irréversibles. Il est amusant de noter que les difficultés rencontrées sont assez similaires à celle du travail monté. Il n'est pas simple de parvenir à avoir un cheval droit. La qualité des arrêt appelle beaucoup de soin. L'emploi de la rêne extérieure est important, mais j'ai vraiment beaucoup de difficultés à l'utiliser correctement. Bref, de mon coté, j'ai encore tout à apprendre et je m'emmêle encore souvent dans les ficelles et la cravache.

Et la dernière, ma préférée, car même si cela ne saute pas aux yeux, ce sont les premières esquisses d'appuyer! C'est vraiment un début, je ne sais pas si pourrais aller plus loin sans faire de sottises, mais déjà cela me remplit de joie.

il est magnifique ! bravo et merci pour le partage !

Bravo à vous deux... C'est un joli chemin que vous prenez là...

C'est vraiment un très joli cheval !

Il est tellement beau ton Xa ! J'aime beaucoup la 2e photo à pied : vous êtes en rythme, le cheval à les oreilles pointées, les yeux doux, il a l'air relax et la lumière est très jolie. C'est très beau à voir.

Merci à toutes.   

Aujourd'hui, c'était le passage du dentiste. Il a été très mignon. Il a d'abord rappelé qu'il était un petit entier en montrant combien il avait le droit de jouer avec sa maman en me mordillant d'un air espiègle et en regardant l’intrus du haut. Puis, il s'est sagement laissé faire. Il est vrai que mon dentiste s'y prend de manière fabuleuse en laissant les chevaux prendre l'initiative. Et à la fin, trouvant qu'il avait été très sage, il a remué le bout de son nez pour réclamer sa récompense!

Cela fait plaisir de le voir si détendu !!!  Vous avez bien avancé depuis les vacances  

Et avec le mors, il en est où ?

Il l'accepte tranquillement sous le caveçon. Mais, réflexion faite, j'ai choisi de mettre les rênes sur les anneaux de côté du caveçon car je ne sens pas assez agile pour agir sans faire de faute sur le mors.

Je me laisse le temps nécessaire pour être à même d'acquérir une indépendance des aides suffisantes pour pouvoir agir sur la cravache sans avoir une action parasite sur la rêne extérieure et pour pouvoir distinguer sans regarder entre les deux ficelles de la main intérieure (celle du caveçon qui arrête ou donne la direction en avant et la rêne qui donne le plis interne). J'ai aussi réalisé qu'il fallait que je puisse réajuster mes longueurs de "ficelles" en plein travail, donc avec un minimum de gestes parasites et notamment lâcher du lest ou raccourcir sans m'aider de l'autre main, sans perdre la cravache ou la changer de position. J'en suis encore bien loin. Xavante est tellement délicat que je préfère prendre mon temps. J'ai peut-être tort, mais je le sens ainsi!   Je ne peux pas oublier qu'il vit encore avec des douleurs qu'il lui appartient de gérer. Drôle d'aventure pour nous deux!

Oui mais tellement enrichissante   

Sur l'ensemble des photos, j'ai l'impression qu'il s'est musclé, arrondi et a pris du dos.
Bref, il est superbe !

Laisse moi deviner... Vu la tête du fauve, c'est ta maman qui prend les photos ?!